• Conseillé par
    8 juillet 2012

    Anthologie graphique sous la direction d’Harvey Pekar, Ed Piskor et Paul Buhle.
    « Le livre que vous avez entre les mains est une bande dessinée qui n’est ni une étude en profondeur, ni l’interprétation littéraire, d’ailleurs déjà proposées par des centaines de livres universitaires dans différentes langues. Il possède par contre une qualité en accord avec la popularisation vernaculaire des Beats. » (p. 5) Ainsi parle l’avant-propos avant de laisser place avant de nombreux portraits.


    Ce sont des biographies sincères, pas forcément flatteuses, mais pleines de respect que livrent les auteurs. Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William S. Burroughs, les trois pères du mouvement beat sont présentés au travers de leurs influences littéraires et musicales. « “Beat », … ça veut dire crevé, mais c’est aussi la base des mots “béatifique”, “béatitude”. » (p. 19) Drogues, alcool, (homo)-sexualité, excès, spiritualité, pacifisme : les Beats touchaient à tous et contestaient en créant autre chose et autrement.
    L’anthologie, sous la plume de plusieurs dessinateurs, présente la scène artistique et intellectuelle de San Francisco. Un des points névralgiques de ce renouveau, c’est la librairie City Lights : « City Lights n’est pas seulement une librairie et une maison d’édition, c’est un lieu public historique et un centre culturel international. » (p. 124) La baie est un creuset qui a abrité de nombreuses personnalités poétiques et musicales, comme Kenneth Patchen, Diane di Prima, Leroy Jones ou Gary Snyder. Les écrivains de la beat génération n’ont pas été les premiers à chercher un renouveau créatif, mais ils l’ont fait de telle manière qu’ils ont durablement marqué l’histoire. « Les Beats révolutionnent la culture et la conscience américaines. Ils démocratisent la poésie, ressuscitent la tradition orale et la sortent de l’université pour l’amener dans la rue. » (p. 131)
    Les deux premiers tiers de l’ouvrage sont de la plume d’Harvey Pekar, Ed Piskor et Paul Buhle. Les auteurs sont convaincus et enthousiastes : ils ont lu les Beats et ils apprécient sans détour leurs œuvres. L’image, en noir et blanc, ressemble beaucoup aux comics américains. Les visages sont puissamment expressifs et évoquent des héros borderline. Le dernier tiers est l’œuvre d’autres dessinateurs qui s’expriment avec folie et liberté, sans complexe, ni contrainte, à la façon des Beats.
    Cette anthologie graphique pourrait devenir ma bible sur la question Beat. Elle ne se prétend pas exhaustive, mais elle respecte l’esprit beat et c’est finalement ce qui compte. Les éditions Emmanuel Proust ont publié le roman graphique que je vous recommande souvent ici : Jim Morrison, poète du chaos, de Frédéric Bertocchini. Cette maison d’édition ne travaille pas sur les légendes, mais sur le fond des choses et sur les sources. Aucun doute : je vais étudier de près (et rapidement) le catalogue de cette maison d’édition ! Cette lecture est un pendant intéressant à ma lecture du roman de Jack Kerouac et au visionnage du film de Walter Salles.